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L'EVOLUTION DU
VITRAIL
IXe siècle
 Tête de Lorsch (IXe s. ?),
Darmestadt, Hessisches landsmuseum
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Ce fragment de tête
humaine a été déterrée dans le choeur de l'abbatiale
allemande de Lorsch, non loin d'Heidelberg. Patiemment
reconstituée, elle est aujourd'hui conservée au Musée
de Darmstadt.
Cette très belle tête se caractérise par sa position
rigoureusement frontale, par le schématisme brut de son
exécution et par sa taille, plus de trente centimètres
de hauteur, ce qui permet de supposer que, telle une icône,
elle était présentée isolément, encastrée dans une
fenêtre. Il s'agit d'un des plus anciens vitraux que l'on connaisse.
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XIIe siècle
 Saint-Denis,
ancienne abbatiale, La vie de Moïse, les Juifs
regardant Moïse élever le serpent d'airain. Détail
(vers 1145)
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Au XIIe siècle, le verre est encore fragile parce qu'il est trop
chargé en
potasse et manque de silice. Il pouvait donc se dégrader
facilement sous
l'action de l'humidité atmosphérique.
Autre défaut de fabrication : son impureté.
Malgré les soins apportés à laver les sables, à
tamiser les cendres, il restait des résidus organiques
ou des sels minéraux impossibles à enlever faute de
moyens appropriés. De plus on ajoutait divers éléments
de remploi (débris de vieux vitraux ou cubes de mosaïque
pilés, pour faciliter la fusion de la matière siliceuse,
mais ces additions augmentaient les altérations
physiques du verre et jouaient souvent sur sa coloration.
Ainsi, le verre blanc avait souvent une tonalité verdâtre.
Tous les verres étaient colorés dans la masse à l'exception du rouge.
Son
colorant, le protoxyde de cuivre, était particulièrement
envahissant et, de ce fait, ne laissait que peu passer la
lumière. Pour remédier à cet inconvénient, on utilisa
le procédé du verre plaqué : la boule de pâte en
fusion, prête à être soufflée, était trempée dans
un pot de matière rouge, elle aussi en fusion, ce qui
permettait d'avoir un verre recouvert de pellicules
rouges. Ce procédé a été généralisé au XIVe siècle.
Les verres étaient souvent inégaux et épais mais les
peintres verriers surent fort bien tirer un parti esthétique
de ces accidents de fabrication comme de ceux de la
coloration...
La forme et la taille des pièces qui ont varié suivant
les époques et les styles participent aussi à l'esthétique
d'un vitrail. Au XIIe siècle, les pièces sont petites
avec souvent une découpe sophistiquée.
Pour couper les verres à dimension, on utilisait au XIIe
siècle un fer recourbé porté au rouge. La coupe au
diamant ne sera introduite qu'au XVIe siècle
Une fois coupé, le verre
doit être peint. La peinture, appelée grisaille, est
une préparation qui a la propriété d'être vitrifiable.
Elle se compose soit d'oxyde de cuivre ou de fer, de
verre pilé et d'un liant, en principe à base d'acide acétique
(le vinaigre par exemple)
La pose a été différente selon les styles : l'évolution
du modelé est en effet, liée à l'emploi de pinceaux de
qualités diverses. Le blaireau permet par exemple d'égaliser
les rudesses du travail de la brosse. Mais au XIIe siècle,
on s'en tenait à une peinture monochrome par couches
superposées, en principe trois. La plus claire servait
à former les ombres, la plus foncée, les traits de
contour et l'intermédiaire ou demi-teinte, le modelé
Pour moduler l'effet produit par cette peinture en aplats,
on procédait à un
travail d'épargne ou d'enlevé, en retirant
partiellement la peinture à
l'aide d'un manche de pinceau ou d'une aiguille.
Quelques rares vitraux anciens ont gardé en partie ou en totalité
leurs
plombs d'origine qu'on essaie aujourd'hui de conserver
lors des
restaurations. Les plombs anciens étaient en effet plus
solides que ceux de
maintenant, leur âme était plus large mais leurs ailes,
plis étroits,
mordaient moins sur la surface vitrée.
Par la minutie de son exécution
et par ses qualités picturales, le médaillon du Champ-
des- Froges, en excellente conservation, est l'un des
chefs d'oeuvre de l'art figuré de la seconde moitié du
XIIe siècle
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 Cathedrale
de Chartres, L'enfance du Christ, Epiphanie. Détail
(vers 1150 - 1155)
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 Le
Champ-près-Froges (Isère), église paroissiale. Médaillon
inférieur, La descente duSaint-Esprit (vers
1160)
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XIIIe Siècle
 Saint-Germain-les-Corbeil,
église Saint Vincent. Ascension. Détail (vers
1210)
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Au XIIIe siècle, le vitrail devient la
technique artistique dominante et
impose même à l'architecture sa propre évolution : les
baies s'agrandissent,
les oculi deviennent des roses aux tracés complexes.
Les principes formels changent peu mais la part réservée
à l'histoire, à la
narration illustrée s'accroît.
La coloration claire de l'époque romane s'obscurcit, les
bleus deviennent
sombres, les verts sourds, les rouges foncent : le
vitrail se fond davantage
avec l'architecture.
L'exécution devient rapide en raison de l'étendue des
surfaces à vitrer.
La peinture abandonne les surcharges décoratives : les
enlevés sont moins
nombreux. La méthode préconisée par le moine Théophile
au siècle précédent,
apparaît trop longue. Elle se réduit alors à un lavis,
parfois essuyé au
chiffon et au trait de contour pour donner le graphisme,
pour signifier les
lignes principales.
De cette époque, on peut admirer aujourd'hui à Notre-Dame,
la rose ouest
(vers 1200) et les vitraux de la Sainte-Chapelle (1243 -
1248) construite
par Saint Louis pour abriter les reliques de la Passion
achetées quelques
années avant à Jérusalem ainsi que ces vitraux de Chartres et de
Saint-Germain -les-Corbeil.
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 Cathédrale
de Chartres, Verrière de Charlemagne. Détail (vers
1215-20)
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XIVe siècle
 Cathédrale
d'Evreux, Raoul de Ferrières présentant à la
Vierge une verrière (vers 1310)
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A
partir de la fin du XIIIe siècle, on recherche une plus
grande luminosité,
un effet brillant et clair en associant des panneaux de
verre incolore
ornementaux ou grisaille avec d'autres colorés et
historiés.
La part réservée à l'illustration d'une légende ou d'un
récit évangélique va
se réduire au profit de panneaux ornementaux décorés légèrement
de feuille
de lierre, de chêne et de fraisier que quelques éléments
colorés ponctuent
et ravivent.
Pour les fenêtres hautes apparaît la formule de
plusieurs grandes figures
alternant avec des panneaux de grisaille.
Les verres deviennent plus minces (Au XVIIe siècle,quand
le verre
sera
coulé, il atteindra une plus grande transparence encore,
mais cela lui
enlèvera beaucoup de profondeur).
A cette époque apparut aussi un nouveau moyen de peindre
: le jaune
d'argent, qu'on posait sur la face extérieure du verre.
Cette préparation à base de chlorure ou de sulfure d'argent,
permettait de
colorer le verre blanc ou de modifier le chromatisme des
autres selon la
loi de la complémentarité des couleurs. L'esthétique
du vitrail se
trouve transformée : on n'avait plus besoin de recourir
à un changement de
verre pour prendre une autre couleur.
La touche se veut picturale et réussit à l'être par l'utilisation
de différents types de pinceaux tel le putois qui règle
les modelés en les dégradant.
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XVe siècle
 Lyon,
Cathédrale Saint-Jean, Tête d'ange (vers 1450)
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L'exécution reste d'une grande subtilité : les fonds se
couvrent de
damassés, particulièrement en Alsace et dans les pays
germaniques ; les
modelés sont très ouvragés. La peinture y est reprise
au pinceau à poils de
putois pour donner un effet analogue à un dessin à la
mine de plomb : la
chevelure est partagée en mèches qui sont rehaussées
de jaune d'argent.
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XVIe siècle
 Rouen,
Eglise Jeanne d'Arc, Jean-Baptiste. Détail
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Les pièces
de verre atteignent de grandes dimensions.
Les émaux de couleurs sont utilisés avec plus ou moins
de succès, toujours
pour éviter de multiplier les coupes.
Jusqu'en 1560, le vitrail connut en France un développement
privilégié :
près des deux tiers des vitraux conservés aujourd'hui
en France remontent à
cette période.
Les maîtres -verriers firent preuve d'une virtuosité
exceptionnelle : ils
savent jouer de l'art des pinceaux et en moduler les
effets comme s'il
s'agissait de peinture non translucide. Ils connaissaient
les possibilités
de la gravure sur verre, les limites de l'émaillage et
le rôle des enlevés,
comme le montrent ces visages puissants provenant de la
verrière de Saint
Jean-Baptiste de l'église rouennaise détruite de Saint-Vincent.
Le vitrail sort aussi de l'anonymat. Jusqu'alors il était
rarement signé. On
dénombre seulement cinq signatures de peintres verriers
pour les périodes
antérieures.
L'estampe devient le véhicule de l'inspiration des
peintres sur verre. Ils
restent souvent fidèles aux tonalités neutres du papier
comme le montre
cette tête, provenant d'une verrière de Saint-Croix de
Provins. Les grands
maîtres se procurent des dessins originaux, les ateliers
secondaires les
commandaient chez des marchands, dans des officines spécialisées
comme celle
de Plantin à Anvers. |
 Provins,
Eglise Sainte Croix, Enfance du Christ. Tête .
détail (vers 1560)
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XVIIe - XXe siècles
 Champigneulle,
L'automne, XXe s
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Dès le milieu du
XVIIe siècle, l'art du vitrail va subir une longue
vacance
due aux guerres de religion et aux difficultés économiques.
Au tournant du XXe siècle, il se laïcise et l'Art
Nouveau lui donne une
nouvelle jeunesse.
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 Le
combat de l'ange
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Et tout près de
chez nous, en Belgique, à Fleurus, Bernard
TIRTIAUX nous
offre l'émotion d'un art renouvelé... |
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